Julius Winsome, roman

Gerard Donovan

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    24 juin 2012

    Au cœur sauvage d'une forêt du Maine près de la frontière canadienne, vit, seul, Julius.
    Dans son chalet solitaire "non seulement en automne et en hiver, mais d'un bout de l'année à l'autre", Julius se contente de peu : un chien, Hobbes et un feu à entretenir. Héritage de son célibat.
    Plus de trois mille livres tapissent, animent les murs de sa modeste demeure. Héritage de son père.
    Gardé précieusement dans un coin oublié, un fusil rapporté des tranchées de la première guerre mondiale. Héritage de son grand-père.
    Dans son "aire de silence", glacé sans pitié par le vent du nord, Julius Winsome, paisible ours quinquagénaire se méfie des hommes et préfère savourer, déguster la nature, au jour le jour, de tous ses sens.


    Il ne demande rien à personne et quand une femme amoureuse se perd chez lui, pénètre son intimité, il la laisse repartir sans remords.
    "Les gens sont incapables de vivre leur vie sans déranger les autres." se dit-il.
    Julius aime enrichir son vocabulaire en lisant Shakespeare, faute de conversations avec ses prochains.
    Loin des rudes et bavards chasseurs qui rôdent parfois dans la forêt sur la trace d'un cerf. Protégé par la forêt qui l'entoure. Comme un forêt maternelle.
    Julius vit une sorte de bonheur. Sans amertume. Sans rancune.

    Jusqu'au jour où "Il me semble que j'avais entendu le coup de feu."
    Notez bien, LE coup de feu et non pas UN coup de feu.
    Celui qui va tuer Hoobes, son ami fidèle, une balle à bout portant.
    "Je suis rentré dans la clairière et j'ai lancé un appel : Hoobes !"
    Là tout va basculer. Julius va sombrer en tueur en série.
    Comme s'il classait ses fiches de lectures, méticuleusement, patiemment, méthodiquement, calmement, il va chasser le coupable...au risque de tuer des innocents. Terrible !
    Il va même jusqu'à parler en mots de Shakespeare à ses victimes agonisantes qui vont mourir sans rien comprendre de ce qu'il leur arrive.
    Le personnage de Julius est intrigant. Il nous questionne. Dans ces paysages magnifiques du Nord de l'Amérique, "aux forêts rougeoyantes, aux lacs bordés de glace bleue", où se cache la folie ?
    "Avec le temps on devient tous des chiens." se dit Julius.
    Ce roman (un thriller ?) de Gerard Donovan, impeccablement traduit de l'anglais par G M Sarotte est envoûtant. Il tient le lecteur aux aguets (aux abois ?) jusqu'à la dernière ligne. Il nous prend au piège.
    Ce livre n'est pas une apologie de la violence gratuite mais plutôt un hommage à la paix, à la nature...à la lecture !
    Lecteurs-témoins, comment se comporter, regarder Julius
    (se regarder ?) maintenant que nous l'avions tant aimé ?
    Comment réagir devant ce soudain barbare...
    (re)devenu comme les autres !
    "J'étais seul responsable de tous mes actes, de tout ce que j'avais fait. Il était mon ami et je l'aimais. Un point c'est tout." nous avoue Julius.
    Mais ce Julius là, jusqu'au bout, malgré sa folie, nous ne le condamnerons pas et c'est là le tour de force de l'auteur.
    Gerard Donovan, irlandais de souche, expatrié aux Etats-Unis, écrit là son premier roman traduit en France. L'écriture est poétique, sensible et précise, claire comme l'eau glacée des lacs, sans ornements superflus.
    Un roman dérangeant à souhait !
    Je vous préviens, cher lecteur, vous n'allez pas apprécier que l'on vous dérange pendant cette lecture, mais alors pas du tout.
    Et puis savoir ce qui peut se passer quand on dérange un lecteur ?
    "Il est vrai que ça avait été une époque heureuse pour moi, pas tant à cause du chien que de la femme qui m'avait conseillé
    d'en prendre un."
    C'était avant que...