Conseillé par Mathilde
C'est une histoire d'exils, celui de Falmarès, celui des migrants, celui des poètes. Ce jeune poète guinéen résidant à Nantes nous raconte avec le recul d'un vieux sage l'histoire de celles et ceux qui partent. Il fait partie des personnes concernées, puisqu'à 14 ans, il traverse la Méditerranée pour arriver en Italie. Il apprend le Français en Italie, puis finit par intégrer un lycée Vannetais. Il est aujourd'hui ambassadeur de la paix. L'exil a été physique, mais également administratif, car comme pour beaucoup de migrants, obtenir un titre de séjour est difficile.
Dans ce recueil, il parle avec nostalgie de la Guinée, avec espoir de sa vie à Nantes. Il rêve beaucoup, vit encore plus. Il nous livre des messages d'humanité autant qu'il essaye lui aussi de comprendre la vie elle-même. Ce recueil alterne les poèmes d'amour, de poésie, et de migration. Plus qu'un catalogue, c'est une fresque avec les détails du quotidiens, de grands bonheurs et de grands malheurs. Il raconte en quoi la poésie est un langage de survie, qu'elle ne se comprend pas mais se ressent, et comment elle connecte l'individu au collectif.
Ce recueil est également une grande ode aux grandes figures de l'art, aux artistes fondateurs et inspirants pour Falmarès. Et nous, lecteur, nous contemplons, nous entendons la kora, et nous rentrons avec Falmarès dans tout ce monde qu'il créé sous nos yeux.
Conseillé par Manon R
Voici une histoire fascinante, une histoire loin d’être ordinaire, pleine de mystère. Voici la sombre histoire des soeurs Chapel. Pourtant tout commence bien, tout commence par un mariage. Mais à peine mariée, Aster, la soeur aînée, meurt brutalement d’une cause mystérieuse. La deuxième soeur connaîtra bientôt le même sort. C’est la malédiction des soeurs Chapel.
Elles sont six, et elles portent chacune le nom d’une fleur : Aster, Rosalind, Calla, Daphné, Iris et Hazel. Elles vivent à Bellflower Village, aux États-Unis, dans cette maison qu’elles appellent le gâteau de mariage, une maison aux allures de pièce montée. Dans cette maison, elles cohabitent avec leurs parents. Leur mère, Belinda, semble hantée par les fantômes tués par les armes Chapel, l’industrie de son mari. Aux yeux de ses filles, elle a l’esprit torturé et semble prédire leur triste sort.
« Les voleurs d’innocence » recrée cette ambiance des romans gothiques qu’on connaît, à l’image de « Rebecca » de Daphne du Maurier. On déambule de pièce en pièce, avec cette atmosphère inquiétante qui nous suit. Il y a un véritable mystère autour de ces sœurs, autant dans leur relation, dans leur façon d’agir que dans le destin tragique qui les attend. Ce roman est peuplé de personnages fascinants, hors de notre portée.
Sarai Walker construit un véritable labyrinthe qui se referme sur les sœurs Chapel. C’est un roman qui mêle parfaitement bien beauté, histoire de fantômes et sororité. Une histoire hypnotique et addictive aux nombreuses références et inspirations : on pense à Sarah Winchester, et aux sœurs Lisbon dans « Virgin Suicides » de Jeffrey Eugenides (adapté au cinéma par Sofia Coppola).
Conseillé par Manon R
Anh se souviendra de cette dernière soirée, de l’odeur du riz, du porc braisé caramélisé et des œufs que sa mère lui avait préparé. Elle préfèrera se souvenir de ces derniers moments plutôt que de tout ce qui va arriver après. Le départ, le rêve d’une nouvelle vie aux États-Unis.
Fin des années 70, Anh et sa famille décide de fuir le Vietnam. Elle embarque avec ses deux frères sur un bateau de fortune. Leurs parents et leurs quatre autres frères et sœurs font de même quelques semaines plus tard. Ils se sont promis de se retrouver à Hong Kong, pour rejoindre tous ensemble les États-Unis, c’était le plan. Mais sur une plage Hongkongaise, Anh identifie sous un drap blanc ses parents et le reste de sa fratrie, noyés. Elle se retrouve seule, adolescente de seize ans, avec ses deux frères. Ensemble, ils vont passer de camps de réfugiés en centres de réinstallation. Ils seront finalement contraints de poser leurs valises à Londres, loin du rêve américain. Anh se démène comme elle peut pour ramener de l’argent à la maison, mais construire une nouvelle vie est difficile dans un contexte de racisme et d'inégalités sociales.
Cécile Pin donne une voix aux âmes errantes, celles qui cherchent à se reconstruire dans un pays étranger, et celles des fantômes des absents. En livrant une partie de l’histoire du Vietnam, celle des vagues massives de réfugiés au cours des années 70, elle nous met sur la voie des « boat people », ces vietnamiens qui ont fui la guerre puis le régime oppressif communiste. Cécile Pin interroge aussi la question de l’héritage d’un tel drame familiale.
C’est un premier roman remarquable, d’une grande sensibilité, incroyablement humain et plein d’espoir.
Conseillé par Morgan
Dans « Cavaler seule », Kathryn Scanlan raconte la vie de Sonia, une entraîneuse de chevaux vivant dans le Midwest. Avec une écriture minimaliste et affûtée, elle nous fait découvrir le monde des courses hippiques : les soins et l’attention portée aux chevaux, leurs conditions de vie et le quotidien des hommes qui gravitent autour.
Kathryn Scanlan dresse le portrait de cette femme dont la vie est entièrement dédiée aux chevaux et déploie son récit à partir du rapport si singulier qu’elle entretient avec eux. Cette passion, c’est ce qui la fait tenir dans ce monde marqué par la violence, les combines et la précarité ; un environnement très « white trash » : vie dans les mobil-homes, alcool et masculinité souvent toxique.
C’est un récit étonnant, qui surprend tant par sa forme, son style que les thèmes abordés. Un livre fulgurant qui sort de l’ordinaire, particulièrement intense.
Conseillé par Morgan
Ciudad Jurez est située entre des collines au milieu du désert, à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. C’est une ville surpeuplée au développement chaotique, marquée par la précarité et la violence. Les institutions et autorités locales sont corrompues ; les personnalités politiques et la police sont débordées et complices des cartels. Les membres des gangs, d’une grande violence, trafiquent, tuent et violent quotidiennement. Les homicides et les délits liés au trafic sont nombreux, ainsi que les féminicides. Entre 1993 et 2007, 500 jeunes femmes ont été assassinées et retrouvées dans le désert. Ces crimes contre l’humanité sont pour la plupart impunis.
Cette enquête journalistique, très documentée, est passionnante et bouleversante. Sergio Gonzalez Rodriguez décrit l’évolution de Ciaduad Juarez et plus largement les liens entre Nord global et Sud global (sous-traitance dans les maquiladoras, exil, pauvreté…), la place des femmes dans la société et la culture mexicaine (système patriarcal) ainsi que la corruption qui fragilise ce pays. C’est une enquête hors-norme qui impressionne tant par son sujet que par son ampleur. Car parallèlement à cette enquête, Sergio Gonzalez Rodriguez décrit précisément le fonctionnement d’un narco-État.