Clara

http://claraetlesmots.blogspot.fr/

Une lectrice sans prétention, amoureuse de la vie qui habite au bout du monde (ou presque). Et un blog pour parler lectures : http://claraetlesmots.blogspot.fr

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28 août 2009

ECOPER LA MER

Bingo, je me suis faite avoir encore comme une jeune novice !

Je suis sous le choc, je ne suis plus qu’une « zone instable » comme si un tsunami venait de balayer mes pensées, mes idées. Juste un livre, un seul, a suffi pour provoquer autant de remous et pour que toute ma sensibilité remonte à la surface.

Un style limpide et touchant, des mots simples pour décrire des situations graves, il n’en fallait pas plus… Pas plus pour que l’émotion me noue la gorge et forme une boule dans l’estomac, pas plus pour que je n’arrive pas à remettre un pied dans mon quotidien… Comme si tout m’échappait une fois de plus, parce qu’il va me falloir du temps pour m’en remettre. Je ne sors jamais indemne de certaines lectures avec l’impression d’avoir été quelqu’un « avant » et de devenir une autre « après ».

Les enfants vont rentrer dans moins d’une heure et je vais assister impuissante au flot de leurs questions « je peux prendre un bonbon ? C’est vendredi, je peux faire un peu d’ordi » ou de comprendre quoi que ce soit au programme du week-end mon aînéée. Je n’y peux rien, ce n’est pas de ma faute alors je vais aller m’isoler un peu dans ma chambre pour digérer, pour pouvoir toucher à nouveau ma vie, mon train-train. Je voudrais pouvoir passer outre toutes ces émotions, les balayer d’un seul coup de revers de main, en faire table rase mais elles sont trop fortes, trop puissantes pour moi.

On me demanderait de vider la mer avec un petit seau de plage, le résultat serait le même… Alors, je vais écoper le trop plein à mon rythme.

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28 août 2009

UN COUP DE POING

J’ai été à la plage. Assise sur ma serviette de bain, je contemplais la pièce de théâtre immuable qui se jour chaque année avec des acteurs différents. Des familles entières arrivaient et prenaient place méthodiquement selon de rituels bien précis. Monsieur qui se chargeait de du parasol et de porter les sacs les plus lourds ou les plus encombrants, Madame qui appliquait à tout le monde de la crème solaire, les enfants impatients d’aller mettre les pieds à l’eau avec leur casquette ou leur chapeau flambant neuf. Les petits faisaient des châteaux de sable, les personnes plus âgées et silencieuses étaient plongées dans leurs grilles de mots croisés ou leur lecture. Des grappes de jeunes riaient penchés à leur téléphone, les garçons observaient les filles et inversement.
Les mamans qui appelaient leurs enfants « Théo n’embête pas ta sœur », « Clémentine ne t’éloigne pas », les gens qui bronzaient, ceux qui se promenaient ou ceux qui marchaient au bord de l’eau à l’endroit où elle lèche les mollets et essaie, par de petits clapotis, d’atteindre les genoux. Les ballons, les maillots bain, les serviettes, le soleil tout ce qu’il faut était bien là.

J’avais amené un livre comme d’habitude d’un auteur qui m’était jusque là inconnu. Jeudi dernier, je disais à la libraire « je veux des lectures qui me donnent une claque, qui m’étourdissent et me donnent le vertige », j’étais bien loin d’imaginer que ce n’était pas une simple gifle que j’allais recevoir en pleine figure. Il était là entre mes mains mais très vite c’est moi qui me suis retrouvée piégée par l’histoire et par la pudeur qui s’en dégageait.

Je n’entendais plus rien des enfants qui riaient, je ne voyais plus le va et vient de gens qui s’installaient ou ceux qui ramassaient leurs affaires. Plus rien n’avait d’importance sauf ce livre, il aurait pu se mettre à pleuvoir, je n’aurais pas bougé. Je lisais et j’étais seule avec Félix qui me racontait sa vie. Au fils des pages, il se dévoilait me confiant ses craintes de devenir papa puis les jours heureux et le drame. En toute simplicité, il se montrait avec ses blessures, ses failles et tout ce temps à combler depuis qu’il avait perdu son fils. L’amour qu’il lui portait se révélait de en plus de plus démesuré, obsessionnel et égoïste.

Quand j’ai fini le livre, j’ai regardé autour de moi pour reprendre contact avec la réalité. J’avais besoin d’entendre les éclats de rires portés par le vent, de voir les gens parler ou somnoler. Une boule dans la gorge, je remplissais rapidement mes poumons d’air pour me sentir bien vivante, il le fallait.

La plage se noircissait de monde et pour une fois j’étais contente d’entendre le bruit celui du sable sous les chaussures, celui des farandoles de prénoms d’enfants et les discussions.

Car à la dernière page, il m’a confié la vérité sur la mort de son fils et j’ai alors reçu un coup de poing d’une violence sans précédent à l’estomac. Une violence furibonde aux relents nauséeux qui m’a assommée…

La sensibilité d'une femme dans l'écriture d'un homme. Bouleversant de vérité, et de détresse ... La détresse sous tous ses angles : celle qui émeut, celle qui déconcerte ou encore la plus dangereuse celle qui fait perdre pied. Je ne vous en dis pas plus car le dénouement est inattendu, effroyable.
Soyez bien accroché car c'est une lecture dont on ne sort pas indemne...

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28 août 2009

MERVEILLEUX CLAUDEL

Se lancer à lire Philippe Claudel c’est d’abord envisager de passer des heures, des journées entières où l’on se retrouve piégé par l’histoire et l’intrigue. On ne peut pas leur y échapper, elles nous obsèdent, nous hantent. Elles mettent à jour des émotions puis les intensifient, les projettent violemment comme l’écume de la mer déchaînée sur les rochers.

« Le rapport de Brodeck » est admirable et le thème de la guerre, cher à cet écrivain, est omniprésent. La guerre avec ses effrois, ses abominations, et la peur qu’elle engendre. Cette peur qui pousse l’homme, qui l’accule à commettre les actions les plus viles et les plus empreintes de lâcheté. En filigrane, on se pose des questions et l’on pense à ceux qui ont vécu cette période.
Tout le monde est concerné par la guerre : un grand-père ou un arrière grand-oncle lui aussi déporté et qui en est revenu un jour alors que toute la famille avait perdu espoir. Des hommes et des femmes brisés à tout jamais. Certains d’entre eux n’ont pas voulu en parler tellement l’horreur était à son apogée mais ils n’ont jamais pu oublier ce qu’ils avaient vu et subi. Comment oublier ces souffrances physiques, morales et cette humiliation qui fait vomir, qui fait penser que l’on est plus rien, ni personne ? Impossible…