Embrasser Maria

« Cette année, Maria aurait eu quatre-vingt-quinze ans. Moi aussi. Sauf que
moi je les ai eus. Je me suis dit qu’il était temps de raconter ce que tout le
monde semble avoir oublié et que je suis, à présent, la seule à savoir.
Rappelez-moi le métier que vous faites ? C’est bien. Je n’aurais pas aimé
parler à un journaliste. Et puis vous êtes musicien, ça compte. Vous m’aiderez
peut-être à comprendre. Vous m’écouterez en tout cas. Vous en conviendrez, il
n’est plus temps de vérifier si j’existe ou pas. On peut considérer que le mal
est fait. Je suis rayée des livres. Ça ne m’empêche pas d’avoir des choses à
dire, et plus originales que tout ce que vous pourrez lire. Aidez-moi à me
lever. On sera mieux dans la cuisine. » Sophia est la plus vieille amie de
Maria Callas, elle a toujours été à ses côtés. Du Brooklyn de leur enfance aux
plus grands opéras du monde, à Skorpios et sur le Christina d’Aristote
Onassis, elle l’a accompagnée toute sa vie. Pourtant, elle ne figure nulle
part, n’est mentionnée dans aucune des biographies de la Callas et n’apparaît
pas sur les photos. À quatre-vingt-quinze ans, alors qu’elle vit toujours dans
l’ancien appartement de Maria Callas avenue Georges Mandel, à Paris, elle
confie ses souvenirs à un mystérieux musicien qui veut en savoir plus sur la
diva. Sophia lui (et nous) révèle alors les véritables identités de Maria
Callas et la manière dont celle-ci, avec son aide, a dupé le monde entier.
Avec ce roman impertinent mené tambour battant, Sophie Rabau se glisse dans
les interstices de l’histoire pour nous conter ce qu’a peut-être été la vraie
vie de la Callas : un opéra qu’elle a elle-même mis en scène. Présentation de
la nouvelle collection de romans « Les audacieuses » : « Les audacieuses » :
la collection de littérature avec un grand ELLES Des écrivaines mettent leur
univers littéraire au service d’une réécriture de la vie de leurs héroïnes.
Oser la fiction pour faire jaillir toute l’indocilité de figures féminines
inspirantes : tel est le pari des « Audacieuses ». Aux Pérégrines, nous sommes
fascinées par les parcours des femmes artistes, scientifiques, politiques,
penseuses qui se sont frayé un chemin dans un monde fait pour les hommes, qui
d’objet sont devenues sujet. Sur les plus connues il existe déjà des
biographies. C’est pourquoi, fidèles à notre philosophie du pas de côté, nous
avons voulu les aborder non par le prisme de la vérité exhaustive, mais par
celui de la littérature – n’est-ce pas là, après tout, que se niche le vrai ?
Maria Callas, Greta Garbo, Lana Del Rey… des femmes spectaculaires dont on a
souvent une image figée deviennent, sous la plume intrépide des romancières
qui s’en emparent, les personnages principaux et surprenants de textes
iconoclastes. Un voyage déroutant aux frontières de la réalité et de la
fiction. S’inspirant librement de ces vies déjà romanesques, les autrices nous
offrent le roman de la vie telle qu’elle aurait pu être vécue – telle qu’elle
l’a peut-être été ? Et dans les interstices du réel surgit la littérature. Un
pont sororal, une rencontre littéraire entre deux audacieuses. Les deux
prochains titres de la collection seront autour de Greta Garbo, par Catherine
Locandro (septembre 2022), et de Lana Del Rey, par Marie Charrel (mars 2023).
Écrivaine et enseignante-chercheuse, Sophie Rabau travaille sur les rapports
entre critique et création, théorie et invention. Elle est notamment l’autrice
de trois essais fictionnels publiés aux éditions Anacharsis (B. comme Homère,
Carmen pour changer, L’Art d’assaisonner les textes) et de textes littéraires
parus dans les revues Vacarme et Délibéré. Autrice en résidence en 2021-2022 à
la Villa Kérylos, près de Nice, elle y compose une fiction qui paraîtra aux
éditions des Belles Lettres sous le titre Le Bal masqué de Théodore Reinach.
Embrasser Maria est son premier roman. Quand elle n’est pas en résidence
d’écriture, Sophie Rabau habite à Neuilly-Plaisance.